Éditorial - 15 janvier 1975
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Par: Jean-Marc Felteau, PLQ
Il est rare pour un individu dans ma profession de participer à un journal du genre, surtout lorsqu'il est employé au gouvernement. J'ai donc réfléchi longuement avant de produire cet article pour La Fronde. Ce qui m'a finalement décidé, c'est une conversation que j'aie eue avec un collègue qui restera anonyme.
Nous étions sur l'heure du midi, en train de manger nos sandwichs, lorsqu'il a commenté sur l'inaction du parlement quant aux lois anti-gangs. En blague, il m'a déclaré qu'il était à peu près que quelqu'un aie le courage de dénoncer le laxisme des élus.
J'ai discuté avec le ministre de la justice. Il m'a donné de bien plates excuses pour expliquer pourquoi son gouvernement est si permissif à cet égard. De bien belles paroles pour ne pas dire grand chose.
La vérité, celle qu'aucun politicien ne veut proférer, c'est que ces bandits profitent à l'économie. Leur présence introduit un capital qu'ils réinvestissent dans les communautés et que les gouvernements n'ont pas à couvrir. Alors on détourne les yeux pendant qu'ils volent, blessent et tuent tout autour d'eux, en toute impunité. Parfois, il nous arrive d'en capturer un ou deux - mais c'est toujours ceux que la bande accepte de sacrifier pour maintenir le statu quo et donner l'impression aux bonnes gens que la situation est sous contrôle. Elle est contrôlée, en effet, par l'élite. Les pots-de-vin, les marchandages et les trafics d'influence sont monnaie courante sur la scène. J'ai moi-même été approché par des individus qui voulaient que je regarde à gauche pendant que le spectacle marchait à ma droite.
Demain, je retournerai travailler avec une nouvelle conviction. Il faut que ça change: je n'ai pas envie de disparaître dans les rouages comme mes confrères. J'ai été élu pour accomplir la voix du peuple, et c'est sur mon honneur que j'entreprends ce voyage.
Je remercie La Fronde pour ce tremplin qu'il me donne, et je vous assure, mes amis, que je ne vais pas disparaître dans la foule ou dans l'oubli.